Gestion de Crise à HEC : une pédagogie par la mise en situation

Le 22/10/2009

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« Toutes vos entités de production sont envahies par des groupuscules issues d’une ONG. Bien que pacifiques, ils bloquent la production. Que faites-vous ? » Toute entreprise d’ampleur est un jour ou l’autre confronté à ce type de crise. Petite, moyenne ou grande ; grave ou non. Pour sensibiliser les futurs managers, Ludovic François, professeur affilié à HEC et auteur, entre autres de Contre-pouvoirs (Ellipses, 2009, pour en savoir plus http://influencecontre-pouvoirs.jimdo.com/) et de business sous influence (Editions d’Organisation, 2004), organise dans le cadre de ses cours une simulation de gestion de crise. Pour ce faire, les étudiants auront chacun un rôle.

Ça commence paisiblement. Isolés dans une pièce, 12 étudiants simulent la tenue d’un comité de direction d’une entreprise fictive avec un ordre du jour donné par le prof. Chacun son rôle : PDG, DRH, responsable réseaux, secrétaire général, responsables marketing et de la sécurité etc.  Dans une autre pièce, quatre étudiants étudient le scénario et changeant au gré à gré de qualité (police, actionnaire, infirmier, syndicaliste etc.) seront amenés, soit à appeler, soit à recevoir des appels issus du comité de direction.

14H30 : Grande table ronde, téléphones disposés aux quatre coins de la pièce, grand écran sur lequel est projeté le site de la société fictive : dépêches, intranet, mail des responsables d’entité. Toute l’information de la société est accessible. Le comité de direction évalue l’opportunité ou non d’engager un responsable développement durable ou bien d’externaliser la tâche auprès d’un consultant. Arguments et contre-arguments. Chacun tient son rôle et défend ses positions.

15H : Premier coup de téléphone. Message un peu abscons. Une unité de la société est occupée par des manifestants déguisés. Rires et le comité de direction continue. Cinq minutes plus tard, autre coup de téléphone, même scénario sur une autre unité. Un autre téléphone sonne, même scénario…ça n’arrêtera plus. Panique à bord. Les informations ne sont pas très claires. Appel aux commissariats de quartiers concernés. Questions aux responsables d’unités «  Les manifestants sont-ils violents. Y-a-t-il des journalistes » Non et non. La décision est unanime : « on les fait sortir. Il faut protéger le personnel». Appel d’un responsable d’un magasin qui explique que l’un de ses employés n’est pas vraiment en règle avec l’inspection du travail. Flottement du DRH et interrogations sur l’opportunité d’appeler la police.

15H30 : l’hystérie gagne. Les téléphones sonnent sans discontinuer. Appels sortants pour tenter de glaner des informations, et entrants pour harceler les étudiants. Les rôles se mélangent. La tension monte. Les téléphones sont raccrochés violemment. On refuse de parler aux journalistes.

15H35 : un client est blessé par le chien d’un vigile. Les premières dépêches tombent. Les informations sur les motivations des manifestants sont dévoilées. Le site de l’association revendicative est pisté. Menace de grève générale par les employés. L’enfer sur terre pour le comité de direction qui ne sait plus où donner de la tête. Chacun donne son avis sur la stratégie à suivre avec l’obsession d’avoir une réponse cohérente face aux attaques. Devant l’insistance des journalistes, une conférence de presse est prévue pour 16H. Que va-t-on dire?

Brouhaha général.

15H40 : Où en est le blessé ?  Quels sont nos fournisseurs ? Utilise-t-on tel produit ? Comment négocier avec les syndicats ? Que dire aux journalistes ? Aux actionnaires ?  Difficile de se concentrer alors que de l’autre côté les étudiants acteurs s’ingénient à retenir les membres du codir au téléphone.

16H35 : conférence de presse. Choisi pour représenter la société devant les journalistes, la responsable RH, le directeur de la sécurité et la responsable des affaires publiques. Choix étonnant s’il en est. Lors de la conférence, chaque intervenant tentera de déminer le terrain face à des journalistes de tous bords. Difficile de gérer la contradiction et le résultat sera peu probant.

17H : Debrief. Alors ? « Nous avons eu du mal à nous organiser », constatent en cœur les étudiants. Du mal à s’organiser, gérer les priorités, bref à s’organiser. Très lucides sur leur prestation, chacun y va de son constat, voir de son méa culpa. L’étudiante qui jouait le rôle de PDG a passé les deux tiers de son temps isolée. C’est bien pour prendre des décisions, mais sans informations, c’est difficile. « On s’est un peu dispersé là quand même ». Au départ la situation a été difficile à gérer, à certains moments l’émotion à pris le pas le pas sur le rationnel. A froid, l’évènement qui a créé la crise n’était pas si grave. Qui plus est, il n’attaquait pas directement l’entreprise. « on a sur-réagit et sans arriver à se coordonner », constate un autre étudiant.

Ludovic François reprend la main et rappelle les fondamentaux des cours précédents. Calme, organisation, besoin d’un chef pour coordonner, répartir et prendre des décisions importantes, communiquer, hiérarchiser l’information, garder le contact. « Je savais qu’ils auraient du mal », commente-t-il. La pédagogie par la confrontation à difficultés est ici volontaire. Beaux joueurs, les étudiants reconnaissent les problèmes qu’ils ont eu à gérer la crise et arrivent à prendre un recul salutaire pour l’analyse. « Ce n’est pas toujours le cas, parfois certains se braquent et des conflits d’autorité naissent remettant en cause la légitimité, technique et formelle, des chefs. Il arrive même que le codir soit très mouvementé avec de sérieuses tensions», raconte Ludovic François.

Fondée sur des évènements réels, l’ambition est de faire prendre conscience aux étudiants que la crise fait désormais partie de l’univers de l’entreprise. La montée en puissance des ONG dans la sphère de l’information appelle des réponses adéquates. Que faire face à des actions de Greenpeace, Rainforest ou autre ? Comment communiquer sur des suicides d’employés, des dysfonctionnements d’usines ou de centrales ? L’information et son traitement sont au cœur de ces exercices. Mais le plus souvent, ce n’est pas un exercice et les entreprises ne s’en sortent pas mieux que les étudiants.

Fabrice Frossard

Pour plus d’information :

http://influencecontre-pouvoirs.jimdo.com/

http://www.ludovic-francois.fr/

Fabrice Frossard