23
avr
2009

Les contre pouvoirs aujourd’hui : état des lieux !

Aujourd’hui, on vous présente un ouvrage co-écrit par Ludovic François, docteur en science de gestion et professeur affilié à HEC Paris & François-Bernard Huyghe, docteur d’Etat en sciences politiques et chercheur à l’IRIS.

Traitant de la place des contre-pouvoirs dans la société, il est plus que d’actualité dans notre monde interdépendant. Pour l’occasion, et parce que la question nous intéresse vivement chez neomansland (on est quelquefois reconnus comme “influenceur” et/ou contre-pouvoir), on s’est permis de poser à Ludovic François quelques questions bêtes sur le sujet.

Si l’ouvrage vous intéresse, vous pouvez le retrouver ici, mais neomansland en a un exemplaire destiné à ses lecteurs (on garde l’autre pour le lire…) Donc que la personne la plus intéressée se manifeste en commentaire, et on lui enverra l’exemplaire restant !

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1.    Dans ce que l’on appelle les parties prenantes au regard du développement durable, quelles sont d’après vous aujourd’hui celles qui constituent le contre-pouvoir le plus fort, et celles qui sont le plus à même d’amener les entreprises sur une économie durable ?

Les partie-prenantes sont une théorie très intéressante qui amène à repenser complètement le mode relationnel des entreprises. Ces stakeholders sont tout « groupe ou individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des buts d’une organisation. Au sens large le terme comprend les fournisseurs, les clients, les actionnaires, les employés, les communautés, les groupes politiques, les autorités politiques (nationales et territoriales), les médias, etc.  . »

Les partie-prenantes interagissent les unes avec les autres. Ainsi l’entreprise se doit de vivre en harmonie non pas uniquement avec ses clients et actionnaires mais son environnement. Nous pensons que l’intégration du développement durable est due aux grandes crises médiatiques des années 80 où de nombreuses grandes entreprises ont été critiquées par des organisations de la société civile comme des ONG. Ces campagnes de dénonciation ont engendré des crises de réputation ayant des impacts très concrets sur les activités des sociétés mises en cause. Le développement durable en entreprise a d’abord été un outil de gestion du risque de réputation. C’est toujours à notre sens le cas bien que le travail d’influence a eu des résultats concrets puisque maintenant ce qui paraissait artificiel est devenu naturel, plus une grande entreprise ne va envisager de faire des affaires sans aborder la question DD.

2.    Il y a quelques mois, nous entendions sans cesse les termes de “journalisme citoyen” ou encore des nouveaux groupes d’influence comme les “créatifs culturels”. Vision moderne ou effet de mode ?

Le web 2.0 n’est pas un effet de mode, c’est une réalité. Pour une organisation si hier il lui suffisait d’avoir un bon service de presse et d’avoir de bonnes relations avec une 20e de journalistes pour maitriser sa communication aujourd’hui ce n’est plus le cas. Elle ne maitrise plus rien en termes de diffusion d’information. Cela devient très compliqué de gérer la communication d’une organisation. Regardez le président de la république qui a été déstabilisé par des vidéos diffusée sur Youtube alors que son service de presse est très efficace. Pour les entreprises, la réponse à ce nouvel environnement médiatique très complexe est de donner l’impression que l’on est une organisation responsable et transparente. En cas de dérapage incontrôlé, il suffit de faire amende honorable et de s’engager à changer les choses. Les recettes sont simples sur le papier mais difficile a mettre en oeuvre. C’est d’autant plus difficile que les exigences des partie-prenantes ont évolué. Hier c’était un client qui se plaignait d’un produit, aujourd’hui n’importe qui peut critiquer le rôle dans la cité de l’entreprise, autrement dit elle devient un objet politique. On ne lui demande plus de faire du business dans le cadre de la loi mais aussi dans le cadre de la morale.

3     Quel est le processus pour qu’un “contre pouvoir” devienne  mainstream” et donc n’honore plus ce nom ?

Un contre-pouvoir doit rester dans la critique. Son rôle est de faire évoluer les choses par le biais de l’influence. Son objet est qu’un point de vue minoritaire devienne majoritaire. Il ne doit pas se soucier de réalisme, il doit tendre vers un idéal. Les idées à un instant T d’un contre-pouvoir sont faites pour devenir « mainstream », mais lui-même doit évoluer dans sa critique. Reprenons le monde de l’entreprise comme exemple. Au début des années 90 il était naturel et accepté par tous de faire sous traiter sa production en Asie du Sud-Est chez des fournisseurs faisant travailler des employés dans des conditions épouvantables. Le périmètre de responsabilité de l’entreprise à l’époque se réduisait aux activités dans ses murs. Lorsque l’on disait que ce n’était pas normal de travailler avec des sous-traitants comme cela, on nous répondait que c’était la dure loi des affaires. Puis les années 90 ont été marquées par les crises dites des sweatshop (Nike, Gap, Levi’s, etc) et maintenant il parait naturel, normal et indispensable de se préoccuper des conditions de travail chez ses fournisseurs. Ce n’est pas pour autant que les contre-pouvoirs doivent se désengager. Ils doivent évoluer et avoir d’autres exigences.